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Sang de dragon - chapitre 3

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Chapitre 3

Il fallut huit jours à Jauffre pour atteindre Skingrad. Son cheval, baptisé Caius après que l'animal l'eut mordu lors d'un bivouac, parcourut les quelques quatre cents kilomètres qui séparaient la capitale de Cyrodiil de leur destination avec une vélocité qui était tout à son honneur. De fréquentes patrouilles étaient menées sur la Route d'or par les légionnaires postés en garnisons le long de cette dernière, aussi la plus grande menace que le capitaine dut affronter fut un troupeau de biches qui jaillirent juste sous les naseaux de Caius, lequel se cabra et manqua désarçonner son cavalier et son précieux coli. Les coupables s'étaient déjà enfuies quand Jauffre parvint à maîtriser sa monture et il lui fallut une bonne heure pour calmer Bébé Martin qui hurlait à pleins poumons mais le reste du voyage se déroula sans autre incident notable – le Bréton fut d'ailleurs le premier à en être étonné.

S'occuper de Martin, par exemple, se révéla moins compliqué qu'il ne l'avait craint : il suffisait de le nourrir quand il avait faim, de bien lui faire faire son rot, de le changer quand ses langes étaient pleines et de le bercer lorsqu'il s'apprêtait à s'endormir (et même si Un Chant Plus Clément n'était pas vraiment une berceuse, le bébé en appréciait visiblement le rythme et la sonorité). Quand ils voyageaient et qu'il ne dormait pas, le nourrisson ouvrait de grands yeux curieux de tout ce qui l'entourait, à commencer par son gardien qui se disait de plus en plus souvent que si la femme qu'il avait jadis aimée ne lui avait pas imposé de choisir entre elle et l'Empire, il aurait pu faire un excellent père.

Même le ravitaillement ne fut pas un souci : les soldats en garnison étaient toujours ravis de venir en aide à un citoyen de l'Empire lorsque celui-ci le leur demandait et Jauffre reçut suffisamment de rations de fer pour tenir un petit siège, tandis que les mascottes caprines des régiments fournirent de bonne grâce de quoi nourrir le petit Martin jusqu'à Skingrad.


La Grande Chapelle de Julianos sonnait onze heures du matin quand le capitaine des Lames passa les portes de la ville, son précieux fardeau dans les bras, après avoir laissé Caius devant un plein râtelier de foin à l'extérieur des murailles. La bannière du comté, les croissants de lune rouge et argent sur fond noir, flottait fièrement sur les remparts et au sommet du château qui surplombait la ville depuis le pic où il avait été construit. L'air était chargé des bruits quotidiens d'une cité pleine de vie et y flottait aussi le délicieux parfum de pâtisseries tout justes sorties du four. Jauffre se promit par ailleurs que sur le chemin du retour, après avoir déposé l'enfant quelque part, il reviendrait à Skingrad et irait faire un tour dans la boulangerie de Salmo, le seul Altmer de l'Empire qui pouvait se vanter d'avoir conquis Cyrodiil avec ses gâteaux roulés. Néanmoins, avant de céder aux appels lancinants de son estomac, il y avait cette lettre à remettre…et Jauffre n'avait même pas eu besoin de lire le nom du destinataire pour savoir à qui elle était adressée : il était de connaissance notoire – en tout cas chez les Lames – que Skingrad était non seulement le fief du comte Janus Hassildor mais aussi le lieu de résidence de deux amis proches d'Uriel Septim. Lui-même connaissait l'un d'eux pour avoir servi à ses côtés pendant des années avant le Simulacre.

Avisant tout à coup un gamin débraillé qui passait non loin de lui, le Bréton le héla et lui proposa dix septims s'il acceptait d'aller prévenir le vicomte de Vivefeuille qu'un nouvel arrivant en ville désirait lui parler. L'enfant traîna des pieds jusqu'à ce que lui furent données dix pièces de plus puis fila comme une flèche en direction du quartier haut de Skingrad. Jauffre quant à lui se fit indiquer par une jeune femme le point de rendez-vous de la ville : la statue équestre du roi Rislav le Juste, au pied de laquelle aimaient se réunir les citadins flâneurs et les voyageurs de passage.

Le monument ne fut pas difficile à trouver et Jauffre s'installa sur un banc à proximité. Martin s'était finalement réveillé et il lui faisait téter un peu de lait de chèvre quand une main se posa sur son épaule. Relevant le nez, il découvrit un Elfe noir aux cheveux roux qui le regardait, ses yeux rouges brillants de surprise dans un visage gris creusé de rides pareilles à une toile d'araignée.

- Jauffre Valtieri ! s'exclama le Dunmer en éclatant de rire avant de s'asseoir à ses côtés. Si je m'attendais ! A quand remonte la dernière fois que nous nous sommes vus ?
- A ma promotion, il y a trois ans, répondit le Bréton en se sentant sourire.
- Trois ans, déjà… je suppose que je devrais maintenant vous donner du « Monsieur » et me mettre au garde-à-vous pour vous saluer. Mais l'un des avantages de mon grand âge est que je ne m'embarrasse plus guère du protocole.

L'Elfe secoua la tête avec un gloussement entendu qui fit se sentir Jauffre bien plus jeune que ses quarante-trois ans : Godric Arvel avait vu naitre le Troisième Empire et si les histoires qu'aimaient s'échanger les vétérans de l'Ordre autour d'un pichet de bière lors de leurs heures de pause étaient exactes, il avait même participé à sa fondation.

- Alors, qu'est-ce qui vous amène ici ? s'enquit Godric dont le regard intrigué s'était arrêté sur le bébé qui venait tout à coup de se mettre à gazouiller en agitant ses petites mains vers le ciel. J'ose espérer qu'Uriel ne vous envoie pas me prévenir que je repars en mission très bientôt ? Je lui ai dit à mon retour de Daggerfall que j'aspirais à prendre un congé indéfini pour profiter de ma famille.
- Il m'a juste demandé de vous remettre ce message, déclara le Bréton en sortant la missive de sa besace pour la lui tendre.

La vue du sceau impérial apposé sur l'enveloppe fit hausser un sourcil résigné au Dunmer. Il la décacheta et se mit à lire, ses lèvres remuant légèrement au fur et à mesure que ses yeux parcouraient la lettre. Depuis le banc, Jauffre vit son visage s'illuminer puis devenir graduellement plus sombre. Quand il eut achevé sa lecture et qu'il regarda à nouveau le panier, Godric avait la mine particulièrement grave.

- Vous permettez ? demanda-t-il en désignant le couffin.

Jauffre le lui tendit et l'Elfe s'assit à ses côtés sur le banc tout en fredonnant une mélopée sans paroles pour distraire le bébé. Ils restèrent un moment à regarder Martin mâchouiller béatement ses doigts mais quand ils relevèrent les yeux, ils n'étaient plus les seuls à contempler l'enfant : une petite fille Dunmer de six ans tout au plus s'était glissée derrière Godric et elle regardait par-dessus l'épaule de celui-ci, une intense expression de curiosité et d'étonnement peinte sur son petit visage. Elle avait de longs cheveux noirs, de grands yeux rouges et une peau tirant sur le bleu. Pour seuls vêtements, la petite Elfe portait un corselet et un jupon blanc.

- Que fais-tu ici, jeune fille ? demanda Godric en se tournant vers elle, les sourcils froncés. Je pensais que tu étais avec ta mère et ses amies.
- Je me suis enfuie, se vanta la fillette en gloussant. Elles voulaient me faire porter une robe verte ! ajouta-t-elle avec une légère grimace de dégoût, comme si cela justifiait qu'elle se promenât en si légère tenue.
- Et bien, si la robe était verte…, pouffa le Dunmer en perdant son air sévère. Mais tu ferais mieux de filer avant qu'elles ne se lancent à ta recherche, non ?
- Tu ne leur diras rien, hein ? s'inquiéta l'enfant.
- Je serai aussi muet qu'une tombe de carpe, promit-il, si toi tu me jures que tu ne parleras pas à ta mère de mon ami ici présent.

La petite fille regarda Jauffre pendant un instant et celui-ci lui fit un sourire un brin forcé. Une étincelle malicieuse embrasa le regard de l'enfant. Elle se rapprocha du panier et se pencha sur son occupant, lequel la fixait avec des yeux ronds.

- Il est moche, lâcha-t-elle avant de s'éloigner en courant.

- Ma fille, expliqua Godric en prenant un air navré quoique légèrement amusé. Mais nous ferrions peut-être mieux de bouger nous aussi, ajouta-t-il en se levant et en désignant l'une des ruelles dans laquelle ils s'engagèrent tous deux. Je ne veux pas que ma femme nous découvre : elle a toujours été un peu trop maligne à mon goût…
- Pensez-vous qu'elle ferait des histoires ? Car je m'étais dit que vous accepteriez peut-être de vous occuper de l'enfant ; après tout, avec vous il ne manquerait de rien….

Le Dunmer sembla réfléchir à la question pendant un moment, les sourcils légèrement froncés.

- Ce serait un honneur d'élever l'un des fils de l'empereur, admit-il. Et je suis certain qu'Eldrasea elle-même ne s'y opposerait pas si elle apprenait sa parenté. Bien au contraire même. Mais un Impérial dans une famille de Dunmers ? Les gens ne tarderaient pas à poser des questions gênantes. Et en dépit de mon serment et de tout le respect et l'amitié que j'ai pour Uriel, ajouta Godric en pinçant les lèvres, il a déjà causé suffisamment de dégâts dans ma vie familiale.
- Je comprends, soupira Jauffre. Je vais donc pousser jusqu'à Kvatch : il y a plein de petites communautés fermières autour de la cité, peut-être que je trouverai une famille d'accueil dans l'une d'entre elles.
- Le petit prince bâtard élevé par des fermiers ? fit le Dunmer en esquissant un sourire affecté.
- Cliché, reconnut le Bréton.
- Mais efficace. Et sur le chemin du retour, n'hésitez pas à venir me trouver pour me tenir au courant ; cela me permettra de garder un œil discret sur le garçon dans les années à venir.

Le Bréton hocha la tête et les deux hommes échangèrent une ferme poignée de main entendue, après quoi Godric Arvel se retira. Jauffre joua pendant un moment avec l'idée de rester en ville une journée de plus pour se reposer et laisser à Caius le temps de réellement souffler, mais le temps pressait : il avait laissé quelques affaires en suspens dans la capitale…et il commençait, malgré tout son professionnalisme, à s'attacher à l'enfant.

Se résignant, il reprit son cheval (qui faillit encore le mordre lorsqu'il fit mine de lui flatter l'encolure) et partit au galop vers la ville de Kvatch.


La seconde partie du voyage fut plus laborieuse que la première : ce n'était pas pour rien que les habitants du comté aimaient à surnommer Skingrad et ses alentours « la capitale mondiale du gobelin ». Les tanières de ces monstres étaient nombreuses, proches des habitations et malgré les efforts permanents des membres de la Guildes des Guerriers pour limiter leur prolifération, ils continuaient de menacer les voyageurs. Durant les trois jours qu'il lui fallut pour passer du comté de Skingrad à celui de Kvatch, Jauffre fut constamment sur ses gardes, épiant chaque mouvement dans les hautes herbes, ne se détendant que lorsque sa route croisait celle d'une patrouille. Ce ne fut qu'à l'aube du quatrième jour, lorsqu'il aperçut dans le lointain le plateau sur lequel se dressait Kvatch, qu'il poussa un soupir de soulagement : plus qu'une journée de route ou deux, et le voyage toucherait à sa fin.

Cette légère baisse de vigilance faillit lui être fatale : Jauffre avait emprunté de nuit une petite route longeant une ferme lorsqu'une flèche grossièrement empennée frappa sa monture à la gorge. Un gargouillement équin s'échappa des lèvres de Caius, sa tête s'inclina, ses longues pattes se dérobèrent et le cheval s'effondra, mort. Son cavalier eut à peine le temps de sauter à terre, Martin serré contre son torse ; mais déjà, cinq gobelins s'approchaient en brandissant des armes rudimentaires, prêts pour la curée. Le Bréton jura entre ses dents serrées tandis qu'il empoignait de sa main libre son dai-katana : l'arme était trop lourde pour être maniée correctement d'une seule main contre plusieurs adversaires et il n'y avait aucun endroit où mettre le bébé à l'abri. Ce combat s'annonçait définitivement mal.

Un gobelin maniant une épée courte à la lame rouillée et ébréchée fut le premier à attaquer. Il frappa d'estoc en glapissant stridemment  et la pointe de l'arme pénétra l'armure de Jauffre sans pour autant atteindre la chair. La Lame riposta d'un coup de genou qui atteignit le monstre en plein menton avec un craquement écœurant et le fit s'affaler sur son séant, sonné et la bouche en sang. Profitant de ce moment de flottement, Jauffre lui passa la lame de son dai-katana en travers du corps. Un épais flot de sang noirâtre jaillit de la blessure tandis que le gobelin expirait bruyamment et empoigna des deux mains le bon mètre d'acier qui lui transperçait toujours les entrailles. Il s'effondra, le poids de son corps coinçant l'arme.

La vue du sang se répandant sur le sol rendit ses congénères frénétiques. Deux d'entre eux, bien qu'ils ne portaient aucune arme, se jetèrent sur le Bréton qui les repoussa avec maints coups de pieds tandis qu'il essayait de récupérer son épée. Mais ils bougeaient trop pour être sérieusement blessés et surtout, ils empêchaient Jauffre de se concentrer sur le réel danger : un gobelin plus imposant que les autres s'approchait lourdement, traînant derrière lui une énorme massue qui avait dû être fabriquée à partir d'un tibia d'ogre, et l'archer qui avait abattu Caius se préparait à tirer de nouveau.

Soudain, la porte de la ferme s'ouvrit à toute volée et un homme portant une fourche et une torche en jaillit. Avisant la mêlée, il courut la rejoindre, agitant férocement ses armes improvisées en hurlant à plein poumons.

L'arrivée de ces renforts inopinés fit souffler un vent de panique sur les gobelins et, oubliant leur supériorité numérique, les trois pugilistes s'égaillèrent en piaillant. Le gobelin à la massue hésita un instant et le fermier en profita pour lui abattre sa fourche sur le crâne. Les yeux du monstre roulèrent dans ses orbites et il s'affala lourdement. Voyant son dernier allié au sol, l'archer lâcha arc et flèche et s'enfuit à son tour dans la nuit.

Jauffre soupira de soulagement. Il arracha finalement sa lame du cadavre du gobelin et la rengaina. Après quoi il se mit à chantonner pour calmer Martin qui n'avait pas cessé de pleurer depuis que le cheval avait été abattu. Les pleurs du bébé intriguèrent le fermier qui se rapprocha. A la lumière de la torche, le Bréton constata que son sauveur était un homme plus jeune qu'il ne l'avait cru au premier abord.

- Vous allez bien ? demanda celui-ci.
- Moi oui, répondit Jauffre, et le bébé aussi, mais ma monture est morte.
- Maudits gobelins ! fit l'homme en crachant au sol. Ils se sont installés dans un réseau de grottes au sud d'ici et depuis, impossible de les en déloger ! La Guilde des Guerriers était censée nous envoyer des combattants pour les chasser depuis une semaine déjà, mais nous les attendons encore.
- Une semaine ? répéta le Bréton en fronçant les sourcils. Kvatch est pourtant toute proche.
- Nous sommes une communauté de gens simples, expliqua le fermier avec un haussement d'épaules. Nous travaillons dur et avons peu à offrir, surtout en monnaies sonnantes et trébuchantes. Notre offre devait sembler ridicule en comparaison de, je sais pas, celle d'un mage en manque d'ingrédients. Mais ça n'a pas d'importance au final : les gens du cru ont appris à se débrouiller et un jour ou l'autre, nous chasserons ces gobelins nous-mêmes !
- Si vos voisins sont d'aussi farouches combattants que vous, ces gobelins n'auront pas une chance.

L'homme se raidit un instant, ne sachant visiblement pas s'il venait ou non de recevoir un compliment. Pour se donner contenance, il se pencha sur le bébé qui pleurait toujours.

- Vous êtes sûr qu'il n'est pas blessé ?
- Absolument. Je crois qu'il a surtout eu très peur. Et il doit aussi avoir très faim.

Le fermier regarda tour à tour Jauffre et le petit Martin puis il désigna la porte de sa ferme.

- Je n'ai pas de monture de rechange à vous offrir, annonça-t-il, mais je peux vous proposer une soupe chaude et un toit pour cette nuit, ainsi que du lait pour le petit.
- C'est très généreux de votre part, monsieur...?
- Jesan Liore, répondit-il avec un ton bourru. Et vous ne me devez rien ! ajouta-t-il précipitamment tandis que Jauffre faisait mine de fouiller dans sa bourse. Gardez plutôt votre argent pour vous trouver un nouveau cheval. Les écuries les plus proches sont aux portes de Kvatch et le gars qui s'en occupe est un voleur.

Jauffre se mordit les lèvres pour ne pas rire. Les deux hommes enlevèrent l'harnachement du cadavre du cheval et tirèrent celui-ci à l'écart de l'habitation, ce qui fut long et pénible. Puis, à la requête de Jesan, le Bréton entra dans la ferme et fut aussitôt enveloppée par une douce chaleur. L'intérieur de la pièce principale était simple mais douillet et une table de bois avec quatre chaises trônaient en son milieu, face à une cheminée où ronflait un feu de bois. Une marmite d'où s'échappait des volutes de vapeur était suspendue au-dessus de celui-ci et une jeune femme y plongeait une longue cuillère en bois pour en remuer le contenu.

- Mon épouse Lélia, expliqua Jesan en faisant signe à sa femme d'approcher. Lélia, ce monsieur a eu des ennuis avec les gobelins.
- Mon nom est Jauffre et mon cheval est plus à plaindre que je ne le suis, rectifia le Bréton.
- Et quel est le nom de ce pauvre petit bébé ? demanda Lélia en s'approchant pour examiner le nourrisson.
- Il se prénomme Martin.
- Martin, répéta la jeune femme avec un léger sourire. Puis-je ? demanda-t-elle soudain.

Jauffre hocha la tête et lui passa le bébé avec milles précautions. Lélia se mit à doucement chanter une berceuse pour apaiser ses pleurs tandis que Jesan s'excusait avant de prendre un seau qui trainait dans un coin et de disparaître à l'extérieur. Il revint quelques minutes plus tard, son récipient plein de lait.

- Lait d'ânesse,  expliqua-t-il en posant le seau sur la table.

Lélia hocha la tête en souriant et demanda à Jauffre d'aller lui chercher un mouchoir en tissu dans une armoire afin d'en tremper un bout dans le lait puis de l'apporter à la bouche du bébé. Martin happa la tétine improvisée et se mit à téter avec  une vigueur qui fit sourire tous les adultes dans la pièce.

- Votre fils à bon appétit, commenta le fermier. Vous pouvez être fier.
- En fait, Martin n'est pas mon fils, rectifia la Lame. M'occuper de lui est une mission que l'on m'a assignée.
- Où est sa mère ? Elle ne peut pas s'occuper de lui elle-même ? demanda Lélia tout en continuant de nourrir l'enfant.

Jauffre ne sut que répondre. Après tout, Uriel n'avait jamais mentionné la mère de Martin et il avait lui-même jugé plus sage de ne pas s'aventurer sur ce sujet.

- Sa mère est morte, lâcha-t-il dans un souffle – ce qui après tout ne devait pas être loin de la vérité, et moi-même je ne pourrai bientôt plus m'occuper de lui, ajouta-t-il sous le coup d'une inspiration soudaine. En fait, j'étais à la recherche d'un foyer qui accepterait de l'accueillir.

Il n'avait rien vu dans cette pièce qui indiquait la présence d'un enfant. Et ces personnes semblaient êtres de braves gens. Des gens simples et n'ayant que peu d'argent à offrir, avait dit Jesan. Mais à la manière qu'ils avaient de traiter le petit Martin, ils avaient de l'amour à revendre. Jauffre eut le sentiment que le garçon serait heureux ici et que le hasard – ou les Neuf – avait finalement bien fait les choses.

Comme il l'espérait, cette annonce fit réagir ses hôtes : la femme serra le bébé contre elle un peu plus fermement et regarda son mari avec des yeux brillants.

- L'étoile filante, dit-elle dans un souffle.

Le fermier écarquilla tout d'abord les yeux, une expression incrédule peinte sur le visage, mais il y avait quelque chose dans la manière dont son épouse le regardait qui finit apparemment par le convaincre. Gêné et nerveux, il se tourna vers Jauffre.

- Je vous ai dis que nous étions des gens simples, commença-t-il, et nous avons peu de moyens mais si vous acceptiez de nous confier Martin, il serait traité comme un prince. Ma femme et moi désespérons d'avoir un enfant, nous l'aimerions et l'élèverions comme notre propre fils.
- Je n'ai pas grand chose à vous donner en échange de votre générosité, le prévint le Bréton.
- C'est inutile, intervint Lélia tout en embrassant le nourrisson sur le crâne. Vous nous donnez un enfant, que pourrions-nous vous demander de plus ?

Jauffre hocha lentement la tête, désormais totalement convaincu. Il n'aurait pu trouver un meilleur foyer pour le petit prince bâtard. Il accepta de bon cœur le bol de soupe fumante que lui proposa Jesan dont les mains s'étaient brusquement mises à trembler et le repas se déroula dans une ambiance conviviale. Lorsque tous les estomacs furent repus et que Martin, endormi, fut placé dans un nouveau panier, les adultes se couchèrent à leur tour. La Lame installa son matelas de camp devant la cheminée, s'enveloppa dans une couverture que lui tendit Lélia et sombra aussitôt dans un profond sommeil.


Il fut réveillé par les premières lueurs de l'aube. La maisonnée était encore endormie et Jauffre décida de partir aussitôt. Sa mission était accomplie et même si le jeune couple lui était agréable, il n'avait plus aucune raison de rester. Dorénavant, il ne garderait qu'un œil distant sur Martin et serait l'un des rares individus à connaître son existence ; ce qui lui rappela qu'il devait passer par Skingrad avant de retourner à la Cité Impériale. Heureusement, rien ne l'empêchait désormais d'engager les services d'un Guide de Guilde et il aurait regagné ses pénates en moins de deux jours.

Après une courte réflexion, et en dépit du souvenir des protestations émises par Jesan la veille, il laissa sa bourse sur la table. Non pas qu'il voulait que les fermiers pensassent qu'il leur faisait la charité, mais il était sincèrement persuadé que c'était là le moins qu'il pouvait faire. Après quoi il hissa la selle de feu Caius sur son épaule, pris les rennes dans une main et sortit de la petite ferme d'un bon pas, en direction de Kvatch.
...Et voilà le troisième chapitre que plus personne n'attendait. :shrug: :XD:

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Comments6
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fevriergobelin's avatar
Moi aussi j'attends le quatriéme~ ^^